La politique de l’Etat, véritable moteur du soutien scolaire à domicile
Depuis 1982, les secteurs agricoles et industriels déclinent au profit de la tertiarisation de l’économie française. Depuis 2005 et le plan Borloo, le service à la personne a pris une part très importante de cette nouvelle donnée.
Pierre Grapin introduit son étude de la manière suivante : «Les services à la personne et leur contribution à la croissance économique ont été longtemps sous estimés, assimilés à de « petits boulots » et à des emplois domestiques (au double sens du terme : emploi de domestique et emploi à domicile), mal rémunérés et sans perspective d’évolution. Plutôt l’usine, le grand magasin ou le bureau que l’aide à domicile ou l’emploi d’assistant maternel ! Et pourtant, depuis peu, le décor semble avoir changé. Pas un rapport annuel ou une étude de prospective qui ne souligne, pour s’en féliciter, l’importance des emplois de service à la personne. Certes, les salaires restent faibles, mais le haut niveau de savoir-être qui accompagne l’exercice des métiers de service attirerait un nombre croissant de jeunes diplômés.» (Le développement des services à la personne : Mirage ou âge d’or ? Études, SER, 2006/10)
Le développement de ce service à la personne répond à une forte demande, et un très grand besoin. Les tâches autrefois réalisées par la mère au foyer -qui contribue de manière importante à la croissance économique du pays- sont aujourd’hui confiées à des entreprises privées. En plus des publics fragiles qui sont visés par le développement de ce marché, il y a les publics qui souhaitent améliorer leur qualité de vie ou les résultats scolaires de leurs enfants.
Plus loin dans son interrogation, Pierre Grapin confirme ce constat : «Le dispositif proposé est particulièrement incitatif, voire très avantageux puisque le client-utilisateur, qu’il soit employeur direct du salarié à domicile ou client d’une entreprise ou d’une association fournissant des prestations de service, pourrait obtenir, en cumulant toutes les aides directes et indirectes (réduction fiscale, allégement de charges sociales, taux réduit de TVA, etc.), un prix horaire inférieur à celui du travail au noir ! […] Face à une demande qui devrait rapidement augmenter et se diversifier, le Gouvernement entend faciliter la structuration de l’offre de services. La principale disposition est de favoriser la constitution de grandes enseignes, regroupant sous un même label ou une même marque des prestataires originaires, le plus souvent, du monde associatif, mais aussi du secteur marchand à but lucratif, et proposant toute une gamme de prestations directement accessibles sur simple demande par téléphone ou courriel […]Les pouvoirs publics ont clairement indiqué que le développement des services à la personne, tout en répondant aux besoins nouveaux de la société, était porteur d’activités nouvelles et constituait un secteur en forte croissance, créateur de valeur ajoutée. D’ores et déjà, certains acteurs, implantés depuis plusieurs années dans des segments à fort potentiel, connaissent des performances remarquables : ainsi, dans le domaine du soutien scolaire, la société Acadomia a-t-elle pu porter son chiffre d’affaires de 6,2 millions d’euros en 2000 à 19,4 en 2004, avec une rentabilité exceptionnelle et la mobilisation de 25 000 enseignants-collaborateurs.»
Il est vrai que, la lutte contre le travail au noir est l’objectif implicite de ce genre de politique. De plus, en encadrant ces activités, l’intérêt est d’assurer une certaine qualité de services notamment dans un secteur très demandé : le soutien scolaire. L’état fournit son agrément en tant que contrôle de qualité. Le rapport numéro 8 du CERC (Conseil de l’emploi, des revenus et de la cohésion sociale) nous apprend que «La procédure d’agrément simple pour les services à la personne est une sorte de labellisation visant à rassurer l’utilisateur de la qualité du service offert. Cette procédure est particulière aux services à la personne. Une même activité effectuée hors du domicile ne requiert pas d’agrément.» Autre mesure phare, la création de l’ANSP que ce même rapport définit de la façon suivante : «L’Agence nationale des services à la personne a été créée par le décret du 14 octobre 2005, en application de la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne pour promouvoir le développement et la qualité du secteur des services à la personne. Elle a le statut d’établissement public administratif.» Ces mesures portent leurs fruits puisque «Souvent, l’intervenant qui dispense le cours est un étudiant, quelquefois un enseignant (dans 20 % des cas chez Acadomia et 90 % pour les cours Legendre ; source : rapport Hetzel, 2007, pour la conférence de la famille).» (rapport numéro 8 du CERC).
En plus du critère de qualité essentiel pour ce type de services, le soutien financier de l’État est plus important que celui apporté à d’autres secteurs économiques employant également des personnes peu qualifiées. Ce soutien passe par le CESU préfinancé que les entreprises et comités d’entreprises proposent à leurs salariés. Il s’agit donc d’une contribution financière à l’amélioration de la qualité de vie des personnes qui autrefois pouvaient être réfractaire à l’emploi de personnel à domicile. De plus, l’État propose une déduction fiscale (plafonnée à 12 000 euros) et un crédit d’impôt pour les familles qui ne s’acquittent pas de l’impôt sur le revenu. Ainsi le rapport précédemment mentionné prétend que «le coût final pour l’utilisateur est diminué de moitié avec la réduction d’impôt sur le revenu : il s’abaisse à 7,2 euros pour un intervenant payé au SMIC. Le coût total de l’intervention publique s’élève au total à 9,6 euros pour un salaire au niveau du SMIC (2,4 euros de prélèvement social et de TVA en moins et 7,2 euros de coût de réduction fiscale).»
Ainsi, l’impulsion de l’État a grandement favorisé le service à la personne et notamment le soutien scolaire. Ce dernier s’est développé dans de nombreux pays mais la France est le seul pays à le subventionner en plus du soutien scolaire public qui demeure gratuit pour les familles : «Le soutien scolaire privé est une des activités où les entreprises de services à la personne se sont le plus développées, avec l’assistance informatique et le jardinage/bricolage» (Rapport numéro 8 du CERC).